Paris, 17 avril 2025 – La France a parlé. Elle a enfin évoqué à haute voix ce que les livres d’histoire, les archives coloniales et les cris des peuples opprimés n’ont cessé de rappeler : la dette inique imposée à Haïti en 1825 par Charles X fut une humiliation diplomatique, une entreprise de pillage déguisée, une revanche post-coloniale contre le peuple noir qui osa se libérer. Pourtant, en ce 17 avril 2025, jour du bicentenaire de cette tragédie économique, la France choisit une reconnaissance sans conséquences, un aveu sans justice, une lucidité sans réparation.
Dans un ton empreint de solennité, le Président français a évoqué avec lyrisme « la vérité de l’Histoire », saluant la bravoure d’Haïti, née d’une révolution fidèle à l’esprit de 1789. Des mots forts. Mais derrière ces déclarations, aucune action concrète : ni excuses officielles, ni plan de compensation financière, ni même un engagement clair envers la restitution des sommes perçues.
La création d’une « commission mixte d’historiens » sonne comme une manœuvre dilatoire. Fallait-il vraiment deux cents ans pour « éclairer les dimensions » d’une injustice historique aussi limpide que brutale ? À quoi bon exhumer encore des preuves quand les faits sont avérés, documentés, dénoncés depuis des décennies par les chercheurs et les peuples concernés ?
L’Histoire n’a que faire de demi-vérités. Et si la mémoire peut être un pont, comme le prétend l’Élysée, elle peut aussi être un mur lorsque les réparations ne suivent pas la reconnaissance. Le Président évoque un « travail de mémoire » comme s’il s’agissait d’un deuil à faire, d’un passé qu’il faudrait simplement comprendre et enseigner. Mais pour Haïti, il ne s’agit pas d’un souvenir à classer dans les manuels. Il s’agit d’une blessure économique et symbolique toujours ouverte. Car la dette imposée en 1825 a vidé les caisses de l’État haïtien, asphyxié ses infrastructures, retardé son développement, et placé la jeune République sous tutelle de ses anciens bourreaux.
Cette reconnaissance partielle revient à transformer une dette matérielle en dette morale. Autrement dit : « Nous admettons notre faute, mais vous n’aurez rien de plus que notre compassion. » Ce glissement est d’une violence sourde. Il perpétue l’asymétrie entre l’ancienne puissance coloniale et l’ancienne colonie. Il nie à Haïti le droit à la réparation pleine et entière, pourtant garantie par le droit international dans des cas similaires.
Le Président français parle de solidarité, de coopération, d’engagements en faveur de l’éducation, de la culture, de la sécurité. Mais ces promesses, sans rapport direct avec la dette de 1825, sont les mêmes que celles faites aux pays du Sud depuis des décennies. Des promesses rarement tenues, souvent conditionnées, et presque toujours conçues pour défendre les intérêts géopolitiques de la France.
Pourquoi l’Allemagne a-t-elle indemnisé les victimes de l’Holocauste ? Pourquoi les États-Unis ont-ils présenté des excuses et offert des réparations aux Américains d’origine japonaise internés pendant la Seconde Guerre mondiale ? Pourquoi la France refuse-t-elle d’appliquer cette même logique à Haïti, elle qui n’a pas hésité à forcer cette dernière à s’endetter pour payer sa liberté ?
Parce que Haïti est noire, pauvre, seule. Parce que la France n’a jamais digéré cette insoumission fondatrice, cette révolution unique au monde menée par des esclaves. Parce que reconnaître la dette d’Haïti serait reconnaître la faillite morale d’un empire bâti sur le dos des colonisés.
Ce 17 avril 2025 aurait pu être une date historique. Elle restera un rendez-vous manqué. La France a reconnu sa dette morale envers Haïti, mais elle refuse encore d’assumer les conséquences concrètes de son histoire. Le peuple haïtien, lui, attend depuis deux siècles qu’on lui rende ce qu’on lui a volé.
Reconnaître ne suffit pas. Il faut réparer. Et tant que cette réparation ne viendra pas, le silence de 1825 continuera de résonner, plus bruyant que tous les discours officiels.
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