Célébration du drapeau à Cap-Haïtien : entre recueillement et protestation


Cap-Haïtien, 19 mai 2025 | Par Hugues Michel
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Le dimanche 18 mai 2025, Cap-Haïtien a accueilli les festivités marquant le 222e anniversaire de la création du drapeau haïtien, dans un climat électrique où ferveur patriotique et revendications sociales se sont entrechoquées.

Malgré une situation nationale délétère et une ville partiellement plongée dans le noir, les autorités haïtiennes ont tenu à honorer la mémoire du bicolore national, né en 1803 à l’aube de l’indépendance. C’est à la cathédrale Notre-Dame du Cap-Haïtien qu’a débuté la commémoration, par une messe solennelle célébrée par Monseigneur Launay Saturné.

Plusieurs figures de proue du pouvoir étaient présentes : les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, Emmanuel Vertilaire, Frinel Joseph, Régine Abraham, ainsi que le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et les membres de son cabinet. À leurs côtés, les autorités locales — la mairesse du Cap-Haïtien Yvrose Pierre, le délégué départemental Me Marc Présumé, des vice-délégués, des directeurs d’écoles et une délégation d’élèves venus de toute la commune — ont pris part à la cérémonie.

Dans son homélie, Monseigneur Saturné n’a pas mâché ses mots, lançant un appel ferme au gouvernement. « Le peuple vit dans la peur. Des quartiers entiers de la zone métropolitaine sont devenus des zones de non-droit. L’avenir des jeunes est gravement menacé. Des territoires entiers sont abandonnés à la merci de bandits qui sèment la terreur », a-t-il martelé, dénonçant le silence des armes officielles face à la montée des violences.

Mais la solennité de l’instant a été brutalement interrompue. Des militants accompagnés de professeurs brandissant des pancartes ont fait irruption dans l’enceinte de la cathédrale, tentant de faire entendre leurs revendications. Ce geste a donné lieu à un cafouillage houleux entre manifestants et agents de la police nationale. Une altercation musclée entre un policier et un professeur à la porte d’entrée a laissé une note amère à cette cérémonie.


À la sortie de la messe, la délégation officielle s’est rendue à la Mairie du Cap-Haïtien pour un déjeuner protocolaire, agrémenté de discours officiels. Mais là encore, les tensions n’ont pas désenflé. Dès les premières paroles de la mairesse Yvrose Pierre, des militants présents ont couvert son intervention de cris hostiles : « Aba CPT ! ». Difficile, dans ces conditions, de faire entendre le message. Néanmoins, la première citoyenne de la ville a tenu à dénoncer l’indifférence du pouvoir central : « Je dois le dire avec franchise : notre ville, comme tant d’autres communes du pays, est trop souvent oubliée, négligée, alors même qu’elle assume des responsabilités colossales avec des moyens dérisoires. Le traitement réservé aux collectivités territoriales est inacceptable. »

Le climat s’est encore tendu à l’arrivée du président du CPT, Fritz Alphonse Jean. Hué par une frange du public, il a été contraint d’interrompre son discours pour répondre, d’un ton grave et incisif :

« Tout le monde présent ici sait qui a armé les jeunes de Port-au-Prince pour nous amener là où nous sommes. Tout le monde le sait ! Personne ne peut bluffer ! Et vous connaissez les noms des personnes qui vous mettent dans cette situation. »


Une déclaration choc, qui a momentanément suspendu les cris et recentré l’attention sur les enjeux sécuritaires du pays.

En fin de journée, la ville a retrouvé un semblant d’apaisement avec les défilés scolaires dans les rues, colorés et bien orchestrés. Les élèves, vêtus aux couleurs du drapeau, ont offert un spectacle à la fois joyeux et patriotique, rappelant que malgré les incertitudes, la jeunesse continue de porter haut l’espérance d’une Haïti réconciliée avec elle-même.

Hugues Michel 

La Rédaction de StandardMania 
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