Port-au-Prince, le 11 octobre 2024.-
La récente lettre du Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Leslie Voltaire, adressée au Premier ministre Garry Conille, révèle une tension palpable au sein du pouvoir exécutif haïtien. Cette missive, qui fait suite à une correspondance antérieure de Conille, met en lumière les dissensions internes qui minent la gouvernance actuelle et laisse entrevoir une crise institutionnelle de plus en plus difficile à contenir.
Dans cette lettre datée du 9 octobre, Voltaire n’a pas mâché ses mots. En réponse à l’objection soulevée par le Premier ministre quant à la convocation de la Ministre des Affaires Étrangères par le CPT, le Président Voltaire rappelle avec une fermeté indiscutable les prérogatives constitutionnelles qui encadrent l’action du Conseil. Il souligne notamment que les arguments avancés par Garry Conille, en se basant sur des articles constitutionnels (156 et 159), sont "sans fondement" et "erronés". Ces articles, selon Voltaire, ont été mal interprétés par Conille dans un effort pour justifier son opposition à l'autorité du Conseil Présidentiel.
Cet échange épistolaire met en lumière une divergence majeure sur l’interprétation des rôles et pouvoirs respectifs au sein de l’exécutif. Garry Conille, qui tente de maintenir un semblant d’autonomie du gouvernement, voit sa légitimité remise en cause par un Conseil Présidentiel qui se veut le gardien de l’État dans cette période de transition. Voltaire rappelle ainsi que, selon l'article 136 de la Constitution, le CPT, en tant que chef de l'État, détient le pouvoir exécutif, et à ce titre, il est habilité à convoquer tout membre du gouvernement sans consultation préalable avec le Premier ministre.
Le message est clair : le Premier ministre n’a ni la légitimité ni l’autorité pour entraver les actions du CPT. Cette posture de Voltaire reflète un effort manifeste pour réaffirmer la suprématie du Conseil sur l'exécutif, en s'appuyant sur une interprétation rigide des textes constitutionnels. L’utilisation de l’article 169-1 de la Constitution, qui souligne le droit du Chef de l'État de donner des ordres aux ministres, est particulièrement révélatrice de la volonté du CPT de s’imposer comme l’autorité suprême, au-dessus du gouvernement.
Toutefois, derrière cette réponse juridique et constitutionnelle, se dessine un conflit politique beaucoup plus profond. Voltaire, par son recadrage musclé, laisse peu de place à une réelle collaboration entre les deux têtes de l'exécutif. En soulignant que le Conseil n’a jamais "empêché" le Premier ministre d’exercer ses fonctions, Voltaire semble minimiser, voire ignorer, les plaintes de Garry Conille qui cherche visiblement à préserver l'intégrité et l'indépendance du gouvernement face à un CPT omniprésent.
Mais cette confrontation n’est pas sans risques pour la stabilité du pays. Les tensions au sommet de l'État ne font qu’aggraver une situation politique déjà instable. En tentant de museler le Premier ministre, le Conseil Présidentiel de Transition pourrait bien provoquer un blocage institutionnel. Il est clair que la transition politique en Haïti, sous l’égide du CPT, est loin de se dérouler sans heurts.
Au-delà de ce duel entre Conille et Voltaire, c'est tout l'appareil de l'État qui est mis à mal par cette division interne. À un moment où le pays a besoin d'une direction forte et unifiée pour faire face aux crises multiples – économiques, sociales et sécuritaires – cette fracture au sein de l’exécutif risque de compromettre gravement la capacité de l'État à gouverner efficacement.
La question qui se pose désormais est de savoir si le Premier ministre Garry Conille continuera à tenter de se positionner comme un contrepoids à l’autorité grandissante du CPT, ou s’il finira par céder face à la pression institutionnelle exercée par Leslie Voltaire et son Conseil. Quoi qu’il en soit, le pays suit avec attention cette lutte pour le pouvoir, consciente que les décisions prises dans les jours à venir pourraient déterminer l'avenir de la gouvernance haïtienne.
Les tensions s'exacerbent, et le feu qui couve au sein du pouvoir exécutif pourrait bien se transformer en une crise politique majeure si aucun compromis n'est trouvé. Le Premier ministre Conille est maintenant confronté à un choix difficile : résister ou plier face à la montée en puissance du Conseil Présidentiel de Transition.
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