Alors que l’insécurité ronge chaque jour un peu plus les artères du pays, la Route Nationale #1 — axe vital entre le Nord et la capitale — est devenue un champ de contrôle illégal, de peur et d’improvisation. Postes de barrage tenus par des civils armés, absence policière, population à bout… ce reportage vous plonge dans le quotidien de ceux qui, pour se déplacer, doivent affronter humiliation, racket et chaos.
Par Donald Métellus | samedi 7 juin 2025
Multiplication des postes illégaux : les passagers rackettés sur la Nationale #1
Se rendre à Cap-Haïtien ou quitter Port-au-Prince devient un véritable parcours d’obstacles. Sur la Route Nationale #1, les « postes de paysage » illégaux se multiplient, notamment dans la commune d’Arcahaie, au grand désarroi des usagers.
À "Dépied", premier point de contrôle, des civils lourdement armés se présentant comme des "Brigades" obligent les passagers à descendre, pièce d’identité en main. Les fouilles sont minutieuses. Une fois les vérifications terminées, les voyageurs remontent à bord, souvent soulagés… jusqu’au prochain arrêt.
Quelques kilomètres plus loin, à Williamson, la scène se répète. Mais ici, les hommes armés vont plus loin : « Déposez dans cette boîte ce que vous pouvez pour nous aider. Nous faisons du bénévolat et avons besoin de moyens », chuchotent-ils à l’oreille des passagers.
À Port-au-Prince, la situation est tout aussi préoccupante. À Canaan comme à Duvivier, des barrages exigent des paiements aux chauffeurs, qui répercutent ces frais sur les passagers.
« Mieux vaut que les Brigades s’unissent aux gangs, puisque leurs objectifs sont les mêmes : recueillir de l’argent », déplore un chauffeur de la ligne Saint-Marc/Port-au-Prince.
Insécurité persistante, police démunie : l’Artibonite en détresse
Ce jeudi 5 juin, dans le quartier de Portail Guêpe, à Saint-Marc, l’antenne de police de "Nan Miel" fonctionne tant bien que mal. Deux policiers y sont affectés. L’un patrouille à moto, l’autre, un inspecteur, reste seul dans un conteneur métallique transformé en poste de police. À l’intérieur : une chaise, une table, un cahier et un stylo.
« Nous avons appelé la Direction départementale depuis ce matin. Nous espérions un renfort de l’UDMO… sans succès », confie, déçu, l’un d’eux.
Pendant ce temps, à "Anba Gros-Morne", sortie nord de Saint-Marc, c’est le chaos. Des habitants, cachés dans les bois, lancent pierres et bouteilles sur les véhicules pour exprimer leur colère face à l’inaction des autorités. Une file interminable de camions et d’autobus s’étend sur plusieurs kilomètres. Les passagers attendent, debout, fatigués, incertains.
À Pont-Sondé, la population bloque la route nationale. Objectif : exiger des actions concrètes contre le gang "Gran Grif", accusé de semer la terreur dans la Vallée de l’Artibonite. Les protestataires réclament aussi le retour de l’ancien directeur départemental de la police, Jacques Ader, pour remplacer le commissaire Caleb Exantus, jugé incompétent.
Désertion policière et débrouillardise : les chauffeurs livrés à eux-mêmes
Entre Saint-Médard (Arcahaie) et Port-au-Prince, plus aucun agent de police n’est visible. Ce vide laisse les chauffeurs et les usagers sans protection, confrontés à l’insécurité, aux rackets et à une circulation anarchique.
Un chauffeur raconte : « Il n’y a même pas un espace pour garer le minibus. À Gérald Bataille, on nous a chassés. À ‘3 Mains’, c’est pire : parfois, les chars de police percutent nos minibus pour nous faire fuir. »
Face à cette désorganisation, une gare clandestine a émergé près du Parc industriel Métropolitain (SONAPI). Cet espace, non officiel, est devenu un point de départ pour les minibus reliant Saint-Marc à Port-au-Prince. Mais l’insalubrité y règne : déchets, odeurs nauséabondes, air irrespirable. Un symbole du désordre ambiant.
Du Cap-Haïtien à Port-au-Prince, l’État semble absent, les groupes armés prennent le contrôle, et la population en paie le prix. Les postes illégaux pullulent, les routes sont bloquées, la police se fait discrète, et les citoyens, eux, avancent dans l’incertitude.
Dans ce contexte, chacun tente de survivre. Entre débrouillardise, colère et résignation, Haïti se cherche une issue, un espoir de sécurité.
Haïti, au bord de l’asphyxie sécuritaire, attend toujours un signe de sursaut.
Donald Métellus
L'information objective en temps réel !
E-mail : standardmaniah@gmail.com
Téléphone : +50932745054